Quantcast
Channel: Paoru.fr » Salon
Viewing all articles
Browse latest Browse all 2

[Itw] Ki-oon : bilan et perspectives d’un éditeur indépendant

$
0
0

Logo-Ki-oonAprès avoir analysé les premiers chiffres de 2011 pour le marché du manga en France, je me suis tourné vers quelques éditeurs pour parler de leurs ventes mais aussi de leurs choix stratégiques. Ki-oon a répondu à cet appel et je vous propose aujourd’hui de découvrir une interview version longue d’Ahmed Agne, co-fondateur et directeur de cette maison d’édition.

Marché du manga et choix de catalogue, stratégies de production et de marketing, venue d’auteur et présences sur les salons, voici quelques uns des sujets passés en revue pour mieux comprendre les décisions, les résultats et les objectifs du plus gros éditeur indépendant de manga en France. L’occasion également de fêter dignement le prix inter-génération du FIBD d’Angoulême pour Bride Stories ou le retour du très attendu Übel Blatt, le leader de leur catalogue, dont le volume 11 est sorti cette semaine.

Il y a donc beaucoup de choses à dire, ne perdons pas plus de temps : c’est parti pour l’interview, bonne lecture !

Bonjour Ahmed… Alors ce prix pour Bride Stories à Angoulême, ton sentiment quelques jours après ?

Une joie immense, comme tu peux t’en douter, et surtout le sentiment du devoir accompli envers un titre qu’on a vraiment défendu et mis en avant du mieux qu’on a pu ! On partait avec un historique compliqué (la précédente œuvre de l’auteur, Emma, n’a pas du tout du marché chez nous), et un sujet qui n’est pas, au premier abord, des plus accessibles (les tribus nomades dans l’Asie centrale du XIXe siècle), et au final le succès, à la fois critique et commercial, est au rendez-vous. C’est rassurant de voir que le manga peut encore séduire un public large, même avec des sujets qui sortent des sentiers battus !

Vous avez pu joindre l’auteure, Kaoru Mori ? Sa réaction ?

On a demandé à son éditeur de recueillir ses impressions pour nous et elle a eu la gentillesse de nous faire parvenir une déclaration touchante dans laquelle elle remerciait personnellement Ki-oon ! On est vraiment très heureux qu’elle obtienne cette reconnaissance internationale pour Bride Stories qui est une œuvre exceptionnelle et un superbe ambassadeur pour le manga. On va maintenant avoir l’honneur de lui remettre son prix en mains propres au Japon, c’est une rencontre qu’on attend avec impatience !

Prix intergénérations au FIBD d'Angoulême pour Bride Stories

(ndr :  Voici la fameuse lettre de Kaoru Mori : « Je viens d’apprendre que j’avais reçu un prix au Festival international de la BD d’Angoulême, et si je suis très surprise, c’est avant tout la joie immense d’obtenir une récompense aussi prestigieuse qui prime !

Je tiens d’abord à remercier de tout mon coeur les éditions Ki-oon, qui se sont chargées de la version française de Bride Stories. Je sais que ses éditeurs tenaient depuis longtemps à publier mon manga en France, et qu’ils ont fourni beaucoup d’efforts pour le soutenir par la suite.

Tout au long de ma carrière, j’ai essayé de dessiner des histoires qui s’adressent à tous les publics et avec une résonance universelle, alors ce prix a une signification toute particulière pour moi.

J’ai également reçu une photo du fameux trophée, et je dois dire que cette statuette est tellement mignonne que j’aurais aimé l’avoir chez moi même si elle n’était pas liée à un prix !

Merci encore infiniment, »)

Ahmed Agne, co-fondateur des éditions Ki-oon Commençons maintenant notre interview… Quel est le bilan de Ki-oon pour l’année 2011 ?

Le bilan est positif, nous sommes en progression de 11.5 % cette année sur un marché qui est en repli de 1.2% sur les ventes en volume, pour la troisième année consécutive. La baisse ralentit, elle était de -5% l’an dernier… Effectivement ça se tasse, il y a même une progression de 1.8% en valeur. Mais bon ce n’est pas la fête non plus. Quand on fait le bilan des grands éditeurs qui sont en progression, il y a Glénat, Kurokawa, Kazé et nous. Tous les autres sont malheureusement en recul.

Votre progression de cette année vous mets en quel position en part de marché ?

On se situe à 5.1% en parts de marché, soit 714 797 exemplaires vendus. Ce qui nous situe à la même place que l’an dernier c’est-à-dire 5ème selon GfK.

Justement, puisque l’on parle de Gfk. Pendant que l’ACBD fait un bilan d’après les chiffres des éditeurs, comment fonctionne cet institut ?

Ils ont un panel d’environ 3 500 points de ventes. Les caisses de ces points de ventes sont équipées de “mouchards” qui enregistrent chaque transaction. Ce panel donne une vision qui se situe environ 20 % en dessous de la réalité des ventes globales, mais qui reste très représentative.

Les volumes des gros tirages de manga diminuent mais est-ce que c’est significatif selon toi ?

En fait il faut faire attention avec les tirages. Une baisse de tirage ne veut pas forcément dire une baisse de vente. Pour prendre notre exemple : jusqu’ici on avait un catalogue léger et pas de frais de stockage important chez notre distributeur Interforum. On tirait assez large, pour avoir un an de stock. Maintenant on a de plus en plus de références et on a pu négocier des tarifs avec l’imprimeur afin de pouvoir réimprimer rapidement et pour pas très cher. Donc on préfère réaliser un premier tirage plus bas et réimprimer dans la foulée si nécessaire.

Justement puisqu’on parle de tirages… En 2010 le titre phare c’était Pandora Hearts. On voit la quantité des tirages diminuer avec les volumes. Est-ce que c’est juste une gestion des stocks différente ou une baisse des ventes ?

Pandora-hearts-tome-16Dans le cas de Pandora, on est rentré dans une gestion des stocks différente parce qu’on préfère tirer 20 000 et retirer quelques milliers quand il n’y a plus de stock plutôt que de tirer 30 000 et de les garder un an ou plus. Les ventes en elles-mêmes ne se sont pas vraiment dégradées, les premières semaines des derniers volumes sont même meilleures que sur les précédents tomes. Mais c’est juste qu’on préfère prévoir à six mois plutôt qu’à un an ou un an et demi.

Une gestion en flux tendu pour éviter les mauvaises surprises ?

Éviter les mauvaises surprises mais aussi éviter de payer des sommes faramineuses en stockage. C’est un coût assez important. Pour tous les titres qui sont stockés depuis trop longtemps, dans des quantités trop importantes par rapport à ce qui est réellement vendu, il faudra payer du surstock. C’est une sorte d’amende ou de pénalité qui est là pour pousser les éditeurs à ne pas faire n’importe quoi et à ne pas laisser trop de stock dans les entrepôts…

En relation avec ces coûts de stockages, vous avez annoncé cette année, pour la première fois, la fin de commercialisation de certaines séries…

C’est totalement lié à ça. Pour la plupart, ces séries étaient là depuis le début de la boite, en 2004. Certaines avaient donc 7 ans et d’autres 6, 5 ou 4 ans. Elles avaient plus ou moins fini leur cycle de vie. Il y avait du stock et on payait ce stock… Alors qu’on n’en vendait plus du tout. À ce moment-là ça ne sert plus à rien de les garder, il faut les mettre en arrêt de commercialisation et les solder ou les pilonner, au choix.

C’est quelque chose qui est souvent mal pris par les lecteurs de mangas qui se disent « mais je n’ai pas eu le temps de finir ma collection ! »… Réaction compréhensible, mais en même temps ce sont des titres qui sont sur le marché depuis 6 ou 7 ans… Dans la vie du livre, c’est quelque chose qui est totalement normal et régulier.

Le public manga fonctionne pas mal à l’affectif…

Oui et on le comprend totalement. Quand on a fait ce premier arrêt de commercialisation ça nous a fait un petit pincement au cœur parce qu’on est revenu sur l’histoire de la boite, et que c’étaient nos premiers titres… Ça fait bizarre mais il faut bien le faire !

Qu’est-ce qui déclenche ce choix ?

Ce sont les ventes du titre. Quand on voit à la fin de l’année qu’on a vendu 12 exemplaires d’un tome 1 d’une série, qu’on en a 600 en stock et que ça nous coute 300 euros à l’année par exemple, ça ne sert à rien. Quand le bouquin n’est plus acheté, qu’il n’est plus présent en librairie, on arrête les frais. C’est quelque chose qu’on va répéter comme la plupart des autres éditeurs, tous les ans probablement…

Est-ce que c’est ce genre de considérations qui vous poussent à vous orienter vers de séries courtes ?

Kurokami-tome-17Dans un premier temps c’était un réflexe de sécurité. Au début de Ki-oon, on ne savait pas si on serait encore présents six mois plus tard. On s’est toujours dit qu’on ne devait pas prendre de séries de plus de dix tomes parce qu’on tenait à les publier jusqu’au bout. Si c’était un gros four ça nous permettait de les finir quand même sans mettre en péril la boite.

Aujourd’hui on peut se permettre un peu plus de risques : le tome 17 de Kurokami est sorti il y a peu par exemple. On peut tenter le 10, 15 ou 20 tomes sans trop de problèmes, mais il y a peu de chances qu’on se lance dans des séries fleuves de plus de 30 tomes, sauf s’il s’agit de blockbusters. On a une responsabilité envers nos lecteurs, celles de finir les séries qu’on commence, alors il faut savoir calculer ses risques. De plus, ne nous voilons pas la face : si vous tombez aujourd’hui au Japon sur une série de 30 volumes ou plus qui n’a pas encore été achetée par un éditeur… c’est que ça ne sent pas très bon !

Par contre, la concurrence qu’on se livre entre éditeurs aujourd’hui fait qu’on est amenés à acheter les titres de plus en plus tôt sans savoir en combien de tomes ils vont se terminer. Ce qui nous vaut parfois quelques déconvenues comme Hell Blade par exemple, où la fin a été clairement expédiée par l’auteur pour des raisons personnelles…

Parlons maintenant du catalogue Ki-oon pour 2011. En 2011 : 13 nouveautés, soit une par mois environ. C’est le bon rythme une par mois ?

La limite qu’on s’est toujours fixée c’est justement de ne pas avoir plus de nouveautés que ce qu’on peut se permettre de défendre. 13 par an c’est maintenant quelque chose de largement gérable puisqu’on a le temps, les moyens et le personnel pour s’occuper des lancements en question. Même le titre qui s’est le moins vendu chez nous cette année, Amanchu !, a quand même eu de la présence sur le web, à la télé, des pubs presse, de la PLV sur points de vente… Bref, on a fait ce qu’il fallait pour qu’il ne soit pas noyé dans la masse, même si le public n’a pas suivi.

Après on sort aussi pas mal de nouveautés tous les ans parce qu’on a un catalogue qui se renouvelle très rapidement, avec des séries qui se terminent aussi très rapidement. En 2011, on a eu 13 nouveautés (mais il y avait 2 one-shots dans le lot) et dans le même temps, 8 séries se sont terminées. C’est donc normal de les remplacer !

Pour 2012, est-ce que vous prévoyez davantage de nouveautés ?

Alors, avec les réserves qui s’imposent parce qu’il peut y avoir des changements dans le programme, nous sommes à 13 nouveautés prévues. En nombre de titres on sera sans doute à 95 mais c’est un peu biaisé parce qu’on réédite Blood Alone et qu’on ressort les six premiers tomes. En termes de contribution on reste dans les petits éditeurs…

En 2009 vous espériez renouvelez l’expérience de publication d’un auteur indépendant. En 2012 il y a le retour de Tsutsui, mais est-ce que vous en prévoyez d’autres un jour ?

Deux projets indépendants sur lesquels on bosse depuis longtemps verront le jour en 2012. Prophecy (ndr : trailer ci-dessous) avec Tsutsui justement, un projet 100% Ki-oon qu’on a monté avec l’auteur et qu’on lancera autour de Japan Expo. Il y a également un deuxième titre qu’on n’a pas encore annoncé et qu’on lancera aux alentours du mois de novembre.

Cette année quelques unes de vos séries sont de nouveaux titres d’auteurs confirmés : Tonogai, Osada, Mori, Amano, Kakizaki. Le nom d’un auteur ça compte quand on choisit une série ?

Non, pas du tout. On n’a jamais cru à la malédiction de l’auteur qui n’a pas vendu la première fois et donc qui ne vendrait pas la deuxième fois, ou à l’inverse à une quelconque bénédiction… C’est de moins en moins vrai. Si je prends Kaoru Mori : Emma a fait un four monumental chez Kurokawa alors que Bride Stories est un vrai succès. On en est à plus de 15 000 exemplaires sortis et on vient de commander une réimpression de 7 000 exemplaires. C’est un super résultat dans l’absolu, et plus encore pour un titre atypique comme celui-là. Pareil, Kakizaki n’a pas marché chez SeeBD puis chez Kazé avec Rainbow alors qu’Hideout a super bien fonctionné.

À l’inverse Aria de Amano n’avait pas marché et Amanchu ! ne fonctionne pas plus, malgré les efforts publicitaires. Pareil pour Osada, les précédentes publications s’étaient plantées et les ventes, sans être catastrophiques, ne sont pas géniales pour Run Day Burst… Il n’y a pas de règles.

C’est l’œuvre avant tout donc…

Übel Blatt tome 11Oui, voilà. Par exemple Übel Blatt est la meilleure vente de notre catalogue mais Etorouji Shiono a créé plusieurs autres séries qu’on n’a pas pour autant publiées, parce que l’histoire ne nous intéressait pas.

Est-ce que, pour le public, ça reste quand même un argument de vente ?

C’est sûr que si on sort le prochain titre de Mashima, ça joue ! (Rires) Plus sérieusement, si on sort du cadre des auteurs de blockbsuter, il y a quelques auteurs de genre qui sont confirmés, type Tetsuya Tsutsui par exemple pour lesquels un public assez important de fidèles existe, mais c’est tout. Il n’y a pas de vérité absolue.

Les seuls auteurs dont on peut prévoir un carton assuré pour une nouvelle sortie… (il réfléchit à des noms) Ce n’est même plus CLAMP, mais des auteurs jeunes et dans le vent comme Mashima ou alors des légendes comme Toriyama… Y en a vraiment pas beaucoup. Pour Yoshiki Tonogai par exemple, si Judge plait c’est parce qu’on reste dans le même genre que Doubt. Rien ne nous dit que s’il fait un manga d’aventure ou une comédie romantique il ne va pas se planter, parce qu’il n’y pas d’attachement véritable à l’auteur lui-même, mais plutôt à son univers.

En parlant d’univers votre catalogue est marqué par le seinen et la fantasy. Tous les éditeurs qui sont devant vous ont un catalogue relativement équilibré et souvent dominé par des blockbusters shônen. Est-ce une transformation que vous envisagez ?

Si on l’envisageait on serait dedans jusqu’au cou parce que des blockbusters shônen y en a juste plus du tout ! (Rires) Et même chez les éditeurs qui sont devant nous, les blockbusters ont souvent une dizaine d’années ou plus comme One Piece pour Glénat, Naruto, Death Note pour Kana ou Fullmetal Alchemist pour Kurokawa. Les petits nouveaux comme Soul Eater ou Bakuman sont très loin de leurs « illustres ancêtres » en terme de ventes. Fairy Tail est la seule série qui ait véritablement réussi à s’implanter en tant que blockbuster shônen.

Black Butler aussi non ?

Dans une moindre mesure. Par exemple, sur ses derniers volumes parus, Black Butler se vend moins bien au tome qu’un Judge qui démarre.

Pour ce qui est de notre catalogue, sans aller jusqu’au blockbuster shônen, c’est vrai qu’il se diversifie. Au tout début de Ki-oon c’était de la fantasy, point. Après on a eu des seinens et ces dernières années on a eu des shônens et un peu de shôjos. Donc on se diversifie, mais c’est logique : à 90 titres par an, il en faut pour tous les gouts. Tout ça, sans pour autant se trahir et en continuant à publier des titres qui nous plaisent. Le public d’Amanchu ! ou de Bride Stories n’est pas celui de Run Day Burst ou de Judge mais ce sont des titres qu’on apprécie tous pour des raisons différentes…

Justement, on avait évoqué la sectorisation de votre catalogue avec des collections pour vos différents genres…

Ça va finir par faire son apparition parce que le catalogue est de plus en plus varié. On réfléchit à comment le faire : shônen, shôjo, seinen ou aventure / policier /… C’est une question qu’on se pose de plus en plus.

Tonogai en pleine dédicace pendant Japan Expo 2011En 2010 il y a eu Jun Mochizuki et en 2011 c’était Tonogai. Mais faire venir un auteur ça a un coût. On parle de somme aux alentours de 15 000 euros… Tu confirmes ?

Chez nous ce serait plutôt 20 000, mais il y a une raison. On les fait venir en classe business parce que l’éditeur japonais insiste souvent pour que ce soit le cas. C’est un peu normal cela dit… Si c’est pour qu’ils viennent, qu’ils se fassent mal au dos avant d’enchainer des centaines de dédicaces sur Japan Expo et qu’ils repartent en vrac, incapables d’enchainer sur leur prépublication au Japon… Ce n’est pas la peine.

Ensuite ils viennent toujours avec leur responsable éditorial, donc ça fait deux invités. On les met dans de bons hôtels, on insiste pour qu’avant Japan Expo ils puissent voir un peu du pays, qu’ils soient reposés et dans de bonnes conditions… Bref, qu’ils prennent le temps et qu’ils soient contents d’être là sans avoir l’impression d’être à l’usine.

Le souci du travail bien fait…

Oui parce que lorsqu’on invite un auteur et qu’il est content, qu’il rentre au Japon et qu’il témoigne sur son blog « je suis allé en France et c’était génial, merci Ki-oon »… Nous on est content. Nos amis japonais sont contents également et nous font encore plus facilement confiance. Et quand on leur demande de pouvoir inviter tel ou tel auteur, on nous l’accorde plus facilement. On a quand même invité 6 auteurs sur les 4 dernières années, c’est un signe qui ne trompe pas !

Et puis en tant qu’éditeur on aime les auteurs, à la base. En 2011, Jun Mochizuki est revenue pendant l’été pour des vacances privées. Elle voulait qu’on passe une journée ensemble pour se balader dans Paris et se raconter nos vies, etc. Quand un auteur fait ça, c’est une énorme satisfaction pour nous, parce que ça veut dire que leur venue en France s’est bien passée et qu’on est au-delà de la simple relation de travail !

Cette venue, est-ce que ça un impact tangible sur les ventes ?

En ce qui nous concerne et quel que soit l’auteur, il y a une vraie montée en flèche dans les ventes et de vraies retombées presse, ça permet au titre et à l’auteur de se démarquer. Maintenant c’est difficile à quantifier…

On parle de venue d’un auteur… Mais quelle est votre politique en ce qui concerne la visibilité de vos œuvres ?

On a toujours eu un budget marketing très élevé pour une maison d’édition. Ce qui se fait en général c’est de faire du marketing pour des titres qui ont du potentiel et de ne pas en faire pour des titres qui n’en n’ont pas. Sauf que si tu pars sur ce principe là, tu ne fais pas de pub pour des titres comme Bride Stories. Et ça ne peut pas marcher, parce que c’est le genre de titre qui a besoin, au contraire, d’une forte exposition pour que ça puisse fonctionner. Parce que ce n’est pas un shônen de base classique avec des couvertures de méchants « beaux-gosses » qui vont attirer le regard… (Rires)

Nous on part du principe que tous les titres sortis seront défendus. Ils auront tous de la pub sur le web, de la pub télé et presse, dans une certaine mesure. Cela ne veut pas dire que tous les titres vont se vendre, parce qu’il ne suffit pas de faire du marketing pour qu’un titre marche. Mais, à la nouveauté, nos titres à plus faible potentiel sont quand même au-dessus de ceux des autres éditeurs en termes de vente.

On parlait tout à l’heure de salon… On ne vous y croise plus beaucoup !

Déjà j’ai une bonne nouvelle : on sera au Salon du Livre de Paris. Après, notre absence sur les salons tient à quelque chose d’assez simple… Avant, on avait un prestataire qui s’occupait de nous représenter sur tous les salons de France et de Navarre. Il avait un stock flottant et on avait juste besoin de se déplacer car le stand était tenu, et il n’y avait plus qu’à discuter avec les clients, les libraires et les journalistes ! (Rires)

L'équipe Ki-oon, presque au grand complet !

Mais on a dû arrêter cette collaboration et maintenant, pour faire un salon, il faut que ce soit les employés qui bossent le weekend, il faut que ce soit du stock qui sorte de chez Interforum, et ça coute très cher à chaque fois…. En gros pour qu’un salon moyen soit rentable il faut y faire un chiffre d’affaire minimum de l’ordre de 13 à 15 000 euros, sinon on est dans le rouge. Et des salons qui permettent de faire ça y en pas beaucoup. Il y a Japan Expo bien sûr (mais avec un investissement et des recettes infiniment plus importantes), et il y a à peu près le Salon du Livre… Mais c’est tout. Angoulême, ça coute tellement cher en déplacement, hôtel, etc, que c’est impossible d’y être rentable pour un éditeur de manga de notre taille.

Ce n’est pas quelque chose dont on est content parce qu’on aimerait bien être plus présents mais… On ne peut pas.

Autre question : un an après les évènements du 11 mars, est-ce que ces catastrophes ont finalement changé quelque chose dans votre travail avec les japonais ?

Étonnamment, très très peu… Parce qu’ils ont eu cette volonté immédiate de faire comme si rien ne s’était passé. Il y a cette anecdote que je raconte souvent : le jour du tremblement de terre c’était la panique on essayait d’appeler tout le monde et personne ne répondait, on a envoyé des mails… Et les gens de Square Enix à qui on avait demandé s’ils allaient bien, s’il n’y avait pas eu de blessés, nous ont répondu « Nous sommes désolés de vous avoir causé du soucis, tout va bien » !

Être désolé malgré ce qui leur est arrivé… C’est tellement Japonais ! (Rires)

C’est ça. Et donc au-delà de ça il n’y a eu aucun changement, pas de ralentissement. On a eu les contrats, les validations et le matériel en temps et en heure. Le vrai bouleversement je pense qu’on le verra venir dans les prochaines années, mais dans les œuvres des auteurs. On a longuement discuté avec plusieurs auteurs et ils nous ont tous dit que ça les avait marqués. Quelqu’un comme Tetsuya par exemple, difficile de croire que ça n’influencera pas ses prochaines œuvres…

Tout comme Hiroshima a imprégné toute une génération d’auteur…

Voilà… Et je pense qu’il y a plein de choses qui ont choqué les Japonais plus encore que la catastrophe elle-même. Les mensonges, les manipulations, les dissimulations et l’incompétence derrière tout ça. Je pense que ce sont des thèmes qu’on verra ressurgir dans les seinens.

Et pour ce qui est de l’ouverture des Japonais à l’international, comment ça évolue ces derniers temps ?

Pour ce qui est des éditeurs japonais, je pense qu’il y a clairement une volonté d’intégrer le fait que le manga est un gros phénomène à l’étranger. Quand tu vois que même avec notre humble catalogue, on a eu en douze mois deux sorties soit en avant-première mondiale soit en même temps qu’au Japon, c’est un signe des temps, quelque chose qu’on n’avait pas du tout avant…

The Arms Peddler / Übel BlattPour finir parlons un peu de 2012. The Arms Peddler et le retour de Übel Blatt pour la fantasy et le retour de Tsutsui. Un retour aux basiques cette année chez Ki-oon ?

Il y a des années où les coïncidences font que c’est comme ça mais sans que ce soit forcément une volonté de notre part. Le retour de Übel Blatt on a poussé pour, mais ça s’est fait au pif. Ça aurait pu être 2013 ou 2011. La venue de l’auteur en France l’a remotivé à reprendre la série, c’est déjà une bonne chose ! Pour Tsutsui c’est pareil, c’est un projet sur lequel on travaille depuis deux ans, et il fallait bien le lancer à un moment ou à un autre ! (Rires).

L’autre projet indépendant dont je te parlais c’est aussi un retour qui tombe cette année, plus qu’une volonté éditoriale. Mais on est très confiants sur le catalogue 2012, on a une tripotée d’excellents titres à faire découvrir à nos lecteurs.

Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour 2012 ?

Qu’est-ce qu’on peut nous souhaiter… Ben que l’expérience renouvelée avec les auteurs indépendants marche bien parce qu’on a envie de développer cette activité, pour qu’elle prenne une part de plus en plus importante dans notre catalogue. Vous verrez que l’on peut faire pas mal de choses avec eux, des choses qu’on ne peut pas forcément faire avec les auteurs liés à un éditeur japonais… C’est aussi beaucoup plus intéressant et gratifiant pour nous en terme de projet éditorial !

On croise les doigts pour vous alors, merci Ahmed !

Merci à Ahmed pour son temps et sa bonne humeur. Remerciements également à Victoire pour l’organisation de cette interview (et sa bonne humeur aussi !). Pour en savoir plus sur les éditions Ki-oon, vous pouvez lire les interviews réalisée en 2009 ou  2010, à l’occasion de laquelle j’avais aussi rencontré et interviewé une grande partie de l’équipe.

Le manga en 2011…

Rétrospective de lectures 2011 : et vous, vous avez lu quoi ?

Marché japonais du manga 2011 : premiers chiffres, premières analyses

Manga en France: Édition et publication en 2011

[Itw] Ki-oon : bilan et perspectives d’un éditeur indépendant

[Itw] Kaze manga : vers le mass market

Retrouvez toutes nos interviews éditeur :

Doki-Doki (mai 2012)

Glénat (mars 2009décembre 2012)

IMHO (avril 2012)

Isan Manga (mars 2013)

Pika (avril 2013)

Kana (novembre 2012)

Kazé Manga (avril 2011janvier 2012décembre 2013)

Ki-oon (avril 2010 - avril 2011janvier 2012janvier 2013)

Kurokawa (juin 2012décembre 2013)

nobi nobi ! (septembre 2013)

Ototo – Taifu (octobre 2012)

Soleil Manga (mai 2013)

Tonkam (avril 2011)

The post [Itw] Ki-oon : bilan et perspectives d’un éditeur indépendant appeared first on Paoru.fr.


Viewing all articles
Browse latest Browse all 2

Latest Images

Trending Articles





Latest Images